Les conditions pour créer ne seront jamais parfaites
De la neutralité de nos circonstances
Les conditions pour créer, pour vivre, ne seront jamais parfaites. Elles sont neutres.
C’est difficile à admettre, ou même à envisager, en ce lundi matin, gueule de bois, triste et peut-être désespéré pour de nombreux d’entre nous. Pourtant, je me réveille, avec pesanteur, certes, je me secoue, je me déleste des émotions lourdes, et comme tous les matins, j’écris ou j’édite mon roman, parce que ma mission, mon écriture est mon militantisme, parce que mes mots, mon art sont à la source de la création de nouveaux mondes, intérieurs et collectifs.
La perfection des circonstances |
L’ombre et la lumière
En prenant de la hauteur, je le sais, je me rends compte que mes circonstances, aussi gênantes, inconfortables, difficiles, qu’elles me paraissent, sont souvent l’envie d’autres, ou même leurs préférences s’ils.elles en avaient le choix. Si certain.es, comme moi, préfèrent créer dans le calme, le silence et dans une bulle coupée du monde, en nature et lors de longues périodes ininterrompues, lorsque le monde ou nos communautés ne pâtissent pas, lorsque la paix est partout autour de nous et en nous, d’autres préféreront de la musique, le monde qui bouge autour d’eux.elles, se nourrir du monde qui tourne autour d’elles.eux, le tumulte, le chaos même peut-être.
La “perfection” des circonstances est habituellement atteinte par un flow, un alignement magique, une muse qui s’invite lorsque nous sommes réceptifs, lorsque nous co-créons avec la vie et l’univers, sans essayer de forcer notre point de vue, notre manière de faire, sans essayer de recréer les circonstances exactes du passé, lors desquelles cela avait fonctionné pour nous.
Vouloir atteindre les circonstances parfaites et créer seulement quand tout est en alignement, est un mythe, un caprice, le rêve enfantin que le printemps dure toujours et que la vie ne vaut la peine d’être vécue que si tout fonctionne toujours de la manière dont on le souhaite, dans la lumière, la joie et la paix - toujours, point final, aucune autre option envisageable. Vouloir la lumière à tout prix, se sentir offensée, frustrée, fatiguée de ne pas atteindre le flow, est une leçon que j’apprends ces temps-ci, que j’intègre petit à petit, après avoir tenté de forcer la lumière partout, après avoir rejeté l’ombre, après m’être coupée du monde par peur de sa noirceur.
Mon intuition me montre des images de paillettes et scintillements sur un lac noir, impossible sans la superposition de la lumière sur la noirceur de l’eau. Pas de lumière, d’alignement, de “perfection”, sans obstacles, sans noirceur, sans “imperfections”. Elle me montre aussi que nous portons tous.tes en nous, un état de neutralité, d’équanimité, d’infini vide, une sorte de toile blanche - ou grise - sur laquelle nous pouvons choisir de peindre ce que nous souhaitons (nous faisons tout pour éviter de vivre, ressentir, atteindre cet état de neutralité, en remplissant l’illusion du vide par toutes sortes de distractions, mais ça c’est une autre réflexion pour une autre lettre…), mais choisir de la peindre d’une seule couleur, de blanc, de noir ou d’une toute autre couleur, n’est-ce pas un peu monotone, n’est-ce pas unilatéral, n’est-ce pas rester bloqué.e sur notre seule vision et compréhension, limitée par définition, du monde?
Et si on laissait les saveurs et les couleurs de la vie et des circonstances se mélanger, que se passerait-il?
Je vous invite à aller découvrir l’art empli d’émotions, de couleurs, de compassion et de nuances de mon amie Corinne sur son compte Instagram: @coco.moino
Ne pas attendre l’illusoire perfection
Les circonstances ne seront jamais parfaites. Jamais. Alors autant commencer à créer, à guérir, à vivre, à être maintenant, sans plus attendre, pas à pas, en laissant toutes les couleurs, toutes les saveurs, les joies et les peines, les obstacles et les succès, se mélanger à foison.
Attendre les conditions parfaites, c’est attendre pour toujours. Commencer dès maintenant, dans l’imperfection du moment et de nos vies, c’est apprendre, à chaque obstacle, à chaque succès, à co-créer avec la vie, quelque soient les cartes qui nous ont été distribuées.
(Et encore une fois, comme la semaine dernière, ces lettres sont des invitations à prendre de la hauteur par rapport à nos situations personnelles et nos mondes collectifs. Ce n’est pas tout noir ou tout blanc, et mes réflexions ne sont jamais une invitation à justifier abus, traumas, pauvreté, injustices, guerres que l’on se fait entre nous ou envers nous-mêmes, mais un pas pour aller de l’avant, lorsque l’on est prêt.e à le faire, soi-même ou en collectivité. Elles ne nient pas non plus la nécessité de transformations de nos mondes, par d’autres moyens, par l’activisme, le militantisme, la politique, etc.)
Les circonstances de mes créations et de mon art n’ont jamais été parfaites, ne le sont pas et ne le seront jamais.
Alors que je suis sur la dernière ligne droite de l’édition de mon roman, un travail de longue haleine, et l’étape la plus difficile pour moi - celle où j’ai beaucoup à apprendre et qui semble s’étendre sur une lenteur infinie - j’ai l’impression de courir après le temps, le calme, mon énergie, ma capacité à travailler, à rechercher cette perfection de mes circonstances, mon flow, le momentum par la lumière et les synchronicités, pour pouvoir finir, dans la moindre douleur; comme pour me rassurer en me disant que cet art m’était destiné, comme pour me dédouaner de ma responsabilité personnelle et d’artiste, car si les circonstances sont imparfaites et que je n’y arrive pas, en cas d’échec, et bien ce n’est pas ma faute… n’est-ce pas?
Créer sa réalité, créer ses circonstances
Heureusement, je suis têtue, et j’écris tous les jours depuis plusieurs années, alors je m’obstine et j’avance doucement dans l’imperfection du moment. Que j’ai à gérer quelque chose à la maison ou dans mon admin, que mon cercle proche me demande plus d’énergie et de présence, que mes nuits d’insomnie s’accumulent, que l’automne s’invite à la danse de l’été pour nous démotiver, que les peurs autour de l’argent et du succès ou de l’échec deviennent plus présentes, plus pressantes, que des ami.s soient de passage au pays, que mon appartement me semble trop petit, que je passe des heures dans le bus pour aller au studio alors que la saison touristique s’immisce à grand cri à Édimbourg, que le proprio fasse des petits travaux, alors que j’aurais aimé écrire ce matin-là, que le voisin fasse aussi des travaux et du bruit tout le mois, que la politique et le monde tourbillonne…
En y regardant de plus près, tout cela est surtout le témoignage d’une vie qui se remplit, d’une vie pleine d’amour, de joie, de connection, d’art, de désirs, de rêves, d’opportunités, d’expansion, de restructuration, de responsabilité, de création, justement. Je suis emplie de gratitude, plutôt que de lutter contre mes nouvelles circonstances, celles que j’ai créées par le passé, celles que j’ai invitées, manifestées, celles qui sont enfin là, celles que j’ai attendues, et qui me proposent maintenant une restructuration, un changement, dans l’inconfort, dans l’apprentissage, dans la difficile édition de mes circonstances.
Des nouvelles circonstances créées par mon passé, en harmonie avec mon présent, qui créeront mon futur. Si tu aimes le meta, c’est la vie en reflet du processus d’écriture, l’édition de mes mots, de mon livre, de ma vie.
J’apprends, je fais de mon mieux quand la frustration s’invite à la danse, je lâche prise, je me reconnecte à mon intuition, pour retrouver le flow et ma boussole. Aujourd’hui, mes circonstances, après des années de guérison, sont la somme, ou la conséquence de mes choix passés ou présents, et je sais pourquoi je suis là, je sais comment j’en suis arrivée là, je sais que mes circonstances ont déjà été transformées par mes petits pas et ma confiance, et sans en forcer la manifestation immédiate, je tiens aussi en moi le désir de plus; de plus d’espace, de plus de temps, plus d’argent, pour le futur, de circonstances différentes, qui seront créées par les choix que je prends aujourd’hui, les actions que je mets en place, les créations et l’amour auxquels je me dévoue, ma constance au fil des mois et des années, ma présence au moment présent, le travail de guérison qui m’accompagne à chaque étape du chemin.
On ne claque pas des doigts pour devenir auteure célèbre. On se lève tous les matins pour écrire, avec la foi, la confiance que des circonstances différentes se créeront, s’ouvriront par notre pleine présence, nos actions et notre joie au cours du processus.
Un voyage dans les circonstances de mon passé… jusqu’à aujourd’hui
Il fût un temps où je rêvais de tout ce que j’ai aujourd’hui, pour ma vie et mon écriture. Mes circonstances n’étaient pas mauvaises, pires ou erronées. Elles étaient, différentes, neutres, fruits de ce que j’avais rêvé et mis en place par le passé, de ce que j’avais été capable de rêver, de ce que je m’étais permise d’imaginer. Elles m’enseignaient, elles me convenaient, elles étaient alignées à la vibration de mon système nerveux et de mon corps, jusque l’appel de plus, de différent, qui créée l’inconfort en moi, l’impulsion du changement.
Il fût un temps où je voyageais, nomade, un sac au dos pour toute possession, écrivant quand je le pouvais depuis le lit de mon auberge de jeunesse, la cuisine commune, ou le salon de quelqu’un dont je m’occupais des animaux. Je n’avais pas alors l’espace mental, la capacité ou la confiance d’envisager écrire de la fiction, et j’écrivais des récits de voyage, nourris bien sûr de mes vagabondages.
Épuisée de mes voyages, sédentarisée temporairement à Paris, dans un minuscule studio en sous-location, je tentais de finir mon livre sur le voyage en solo, coincée entre l’armoire, le lit et la cuisine, avec vue sur du vert, profitant des chemins boisés et de la rivière de la banlieue sud, me concentrant surtout sur ma guérison. Ces milliers de pas en banlieue parisienne, et ces milliers d’heures de travail personnel, sont les circonstances qui m’ont emmenée jusqu’ici, jusqu’à aujourd’hui, même si je n’en étais alors pas du tout satisfaite, même si j’en étais désespérée.
Dans la lumière de ma confiance et de mon intuition, j’ai emménagé à Édimbourg, dans mon premier vrai appartement et j’ai repris des études, j’ai écris des scénarios et un film, j’ai mis les bouchées double sur ma spiritualité, dans la solitude et le calme de la pandémie. Des circonstances alors, similaires et bien différentes à aujourd’hui.
Dans la rencontre de l’amour, dans l’intuition et le flow, j’ai écrit et publié mon premier livre, L’Envol, depuis ma cuisine/salon/bureau, et depuis la nature écossaise.
Sur la route à nouveau, entre sédentarité et nomadisme, entre inconfort, excitation, confort, et parfois désespoir de mes circonstances personnelles, j’ai terminé le brouillon de mon roman, The Antarctic Bridge.
Et alors que mon appartement était devenu trop petit pour ma créativité depuis des années, alors que j’étais si frustrée de ce petit espace, que je sentais ma créativité stagner de plus en plus, j’ai manifesté, enfin, un studio d’écriture grâce à une association caritative, pour pouvoir entamer l’édition et la restructuration de mon livre et enfin le finaliser, dans plus de calme, de sérénité et de stabilité.
Ces nouvelles circonstances ne sont pas parfaites. Elles ne le seront jamais. Elles sont la somme de mes circonstances, pensées, émotions et actions passées. Elles viennent avec l’inconfort de l’adaptation, appellent de nouveaux apprentissages, et déjà appellent des rêves de nouvelles circonstances. Mais cela ne voudra jamais dire que je dois tout arrêter, que je ne dois pas guérir ou créer. Au contraire, c’est avec elles, à travers elles que je crée, que je vis, que je me transforme et que je transforme mes circonstances.
Les circonstances sont neutres. Jusqu’à je choisisse de co-créer avec la vie.
Circonstances > émotions > pensées > émotions > neutralité > actions > circonstances
Alors, cet été, pour finir The Antarctic Bridge, je construis avec la vie et les circonstances. Je vais à mon studio quand j’en ai l’énergie - et je me pousse un peu aussi bien sûr, parce que rien n’est jamais parfait! :) -, je lis dans les transports, je reprends goût à écrire dehors, j’écris lors de courtes et de longues sessions, j’apprends à écrire l’après-midi, en communauté, j’apprends que l’interruption n’est pas toujours négative, j’essaye d’utiliser mes super-pouvoirs neurodivergent, je crée malgré l’absence de flow et de momentum, j’accepte le rythme lent de l’édition, j’écris et j’édite dans le désordre, je compose avec la vie, plutôt que d’essayer d’imposer ma vision des choses à mon monde et enfin, j’accepte le tout, la neutralité, l’imperfection et la perfection.
Une bonne comparaison qui me permet toujours de me ramener sur terre: imagine si tu contrôlais ou essayais de contrôler ton partenaire de vie ou ta.ton meilleur ami.e, de la même manière que tu contrôle ton art et ton processus créatif, en ne demandant rien de moins que la perfection, ce ne serait pas terrible, n’est-ce pas?
Alors, oui, les circonstances sont loin d’être parfaites et le monde ne tourne pas rond. Parfois, elles sont chiantes, parfois elles sont terribles et désespérantes. Mais l’art, la muse ne viendra pas, plus, avec une situation parfaite. En même temps que tu créeras ton art, tu créeras de nouvelles circonstances personnelles et collectives. En même temps, que tu guériras et feras ton travail personnel, tu apprendras à voir des circonstances neutres, à choisir l’alignement et ce que tu souhaites vraiment, sans nier les obstacles et les difficultés. Et ce faisant, tu percevras les choses différemment et la vie, magiquement, s’alignera à toi et à ta vibration.
Peut-être que tu n’as pas le temps de créer, peut-être que tu n’as du temps qu’une fois par mois ou 5 minutes par jour. Dans cette imperfection, c’est parfait. Peut-être que ta santé mentale ne te permet pas de créer de manière régulière. Pour le moment, dans cette saison, ta priorité c’est toi. Peut-être que tu dois te concentrer sur ton travail et gagner de l’argent. Peut-être qu’il va falloir t’inventer un bureau, au parc ou au café, ou avec un casque dans ta cuisine. Peut-être que ton art, pour un temps ou pour toujours, deviendra militant. Peut-être que tu n’as plus les mots pour le dire, mais que tu trouves la peinture comme nouveau format d’expression. Peut-être que tu crées en famille dans cette saison de la vie. Peut-être que d’abord, avant toute chose, tu dois te concentrer sur ta guérison. Peut-être aussi que tu te donnes des excuses depuis bien trop longtemps, à remplir la neutralité, ou l’illusion du vide, de réseaux sociaux, de travail, de séries ou de millions d’autres distractions. C’est à toi de décider où tu en es, ce que tu dois prioriser et quelle première étape t’emmènera vers ton art et d’autres circonstances.
Les circonstances ne seront jamais parfaites. Mais de là où je suis assise, à t’écrire avec vue sur Arthur Seat, avec un soleil hésitant, en évitant les bruits de travaux de la maison, je suis exactement là où je dois être, au bon moment, au bon endroit. Et toi?
J’ai publié sur Youtube un module extrait du cours La Bulle (un cours de coaching créatif pour libérer ta créativité mené en 2021), où je te propose plusieurs exercices pour te reconnecter à ta joie et à ton art. Je mentionne également cette notion des circonstances, avec sans doute moins de conscience, à la minute 2:50. Je t’invite à explorer ce sujet plus avant, et je serai ravie d’en discuter avec toi en commentaire.
Aujourd’hui, j’ai compris et je constate que tout cela est bien réel, et que nos circonstances, créées par nos vies, nos expériences, nos classes sociales et tous les facteurs sociétaux et systémiques qui composent nos mondes, nous mènent à certaines pensées, émotions et réactions, plutôt que vers des actions plus alignées. Il tient alors de transmuter ces émotions, par différents moyens de guérison, et notamment des exercices somatiques. C’est une sorte de nettoyage émotionnel et spirituel que l’on peut faire régulièrement, voire quotidiennement, un peu comme l’on se lave tous les jours. Cela passe d’abord par la compréhension mentale, la conscience que l’on n’a pas besoin de réagir au monde de manière émotionnelle, puis à apprendre à libérer les émotions de notre corps (cela peut être tout simplement les vivre pleinement), en les transmutant vers une neutralité, qui nous permet ensuite d’agir librement, intentionnellement et non pas émotionnellement. Évidemment, dans notre humanité, la neutralité parfaite n’existe pas, ni n’est souhaitable.
Nous travaillerons et apprendrons ces techniques dans le programme ARTémis, pour révéler et réclamer ton Artiste, lors d’une session somatique. En savoir plus ici. Contacte-moi par email si tu souhaites rejoindre le programme ou si tu as des questions.
Je te souhaite une belle semaine, qui comprendra peut-être quelques touches d’art?
xx
Lucie